jeudi 24 novembre 2016

Rando urbaine : les 4T

Vous connaissiez les 3T (mais siiiii, rappelez-vous, les frères Jackson qui chantaient dans les années 90), vous êtes sur le point de découvrir les 4T. Les 4T, ce n'est ni un nouveau boys band ni un multiple de Trump. Les 4T, c'est le nom donné à la plus connue des randonnées urbaines de Portland.

Tram, Trail, Train & Trolley ...
... font 4 T ! Got it ?! C'était le 4 novembre dernier. Ou peut-être le 3. Peu importe, ça n'a pas d'incidence sur la suite de l'histoire. Je me suis levée, et j'ai vu ça

S.O.L.E.I.L
Et quand on voit ça depuis la fenêtre de la chambre, on se dépêche de sortir pour profiter de l'absence de pluie. Je demande à Ghislain s'il veut rentrer plus tôt du travail pour qu'on fasse les 4T ensemble. La réponse est oui, c'est parti !

Le (Aerial) Tram : 
Nous garons la voiture au nord du Tilikum Bridge, que nous traversons afin de rejoindre la station du tram aérien, point de départ de la balade. Le Mont Hood se la pète, avec sa silhouette de carte postale.

LA vue dont on ne se lasse pas à Portland
Food cart au pied des bulles
Nous passons un pod de food carts et arrivons aux "bulles" de Portland. Je n'en mène pas large ; le trajet n'a beau durer que 3 minutes, reliant le bas de la ville à l'hôpital 500 feet plus haut, je ne suis pas très à l'aise. Cramponnée à la barre, c'est à peine si j'ouvre un oeil pour capturer les vues offertes par la cage volante : les monts enneigés des Cascades (notamment Hood, Adams et St Helens), la Willamette et les innombrables ponts qui la surplombent.

La bulle et la vue sur la ville 
Vue sur l'est de la ville et le Mont Hood
Nous voici devant l'OHSU (Oregon Health Science University, le plus grand employeur de la région), prêts à marcher les 4 miles qui nous séparent du zoo et de la prochaine étape. 

Le Trail : Marquam & Council Crest 
Le chemin traverse d'abord le Marquam Nature Park. On se croirait en forêt, les bruits de la ville laissant place au bruissement de nos pas sur les feuilles mortes de l'automne qui s'installe. Le chemin descend, mais c'est pour mieux remonter ensuite ! 

Petite minute historique : le Connor Trail 
Monsieur Connor, éminent professeur de médecine à l'OHSU, rêva un jour d'un chemin qui relierait le campus de l'OHSU au Marquam Park. Il imaginait déjà étudiants, professeurs, patients et visiteurs profiter de la forêt oregonienne, soignant ainsi le corps et l'esprit. En 2000, une étude de faisabilité souligne le passage obligé du chemin sur des propriétés privées et l'OHSU. Une fois les autorisations nécessaires données, le chemin vit le jour en mai 2006, aménagé par des volontaires !

Marquam Park
Champignon du parc
Par moments, on aperçoit dans les feuillages une grosse baraque en bois ou une maison farfelue (cf photo ci-dessous) ; les architectes n'ont pas dû s'ennuyer par ici ! 

Maison de la forêt de Marquam
On quitte ce havre de paix pour un autre parc, le Council Crest, qui possède le point le plus élevé de la ville de Portland, à 1073 feet (327m). La récompense pour avoir gravi la colline, c'est la Stonehenge Tower, "jolie" antenne qui permet, entre autres, l'émission de 9 stations de radio.

Stonehenge Tower
La vraie récompense, en fait, c'est la vue sur les montaaaagnes ! Allez, on va faire un petit jeu, pour voir si vous suivez bien le blog. Ci-dessous les photos de 4 montagnes que l'on aperçoit depuis Portland : nommez-les dans les commentaires, par ordre d'apparition. Le premier ou la première qui répondra juste aura une surprise (Ghislain n'a évidemment pas le droit de jouer). 

1er nom à trouver, celui de gauche, 2è nom celui de droite
Le 3è à trouver : volcan emblématique de Portland
Le 4è et dernier volcan
Un petit récap' des 1, 2 et 4è monts
Le soleil parti, la nuit approchant (il est 17h...), nous redescendons Council Crest, direction le Zoo du Washington Park. On y trouve aussi un arboretum, le musée des enfants, une adorable "boîte à livres" en libre service et la station souterraine...

Bibliothèque de rue
Le Train (Max) - 15 minutes
Max est le petit nom du train urbain à Portland, un mélange de tram et de métro, même s'il n'y a qu'une seule station sous terre. Mais comme les Américains ne font pas les choses à moitié, cette station, Washington Park, est la plus profonde du pays la plus profonde des USA (260 feet, soit 79m), et l'une des plus profondes au monde, celle qui les détrône toutes étant la Park Pobedy à Moscou (318 feet de profondeur). Le train emprunte sur 3 miles le tunnel Robertson, qui traverse des couches de basalte volcanique de 16 millions d'années.

Le Trolley (ou Street Car) - 20 minutes
Nous voici dans le centre-ville, le soleil réapparaît pour mieux se coucher, projetant ses rayons rouge-orangés dans les buildings aux vitres transparentes. La ville a troqué ses citrouilles et ses sorcières contre des guirlandes de Noël, et Macy's, un genre de galeries Lafayette, a mis en scène ses vitrines.

Downtown
Décorations de Noel, downtown
Coucher de soleil sur les buildings du centre
Et là, au milieu de toutes ces lumières de fêtes, le drame éclate. Parce que nous ne trouvons pas le trolley, nous prenons un affreux bus pour retourner à la voiture. Scandale. Traumatisme. Enfin, c'est surtout prendre le bus aux USA qui est traumatisant, mais j'en parlerai dans un futur article. La 4T (ou plutôt la 3T&B) s'achève comme elle a commencé, sur le Tilikum. Seule la vue change : le Mont Hood a disparu au profit de la skyline nocturne de la ville, magnifique. 

Tilikum éclairé et skyline de Pdx

Tilikum de nuit 


dimanche 20 novembre 2016

Angel's Rest, la rando des sacs à caca

Je sais, il faudrait que je prenne mon courage à deux mains et que je commence à relater les 4 jours à la Nouvelle Orléans. Mais on est dimanche, il pleut (tiens, c'est curieux ça !) et je suis paresseuse. Du coup je vais juste raconter la journée d'hier. 

PSU Farmers Market, 100% local 
Tous les samedis se tient le farmers market de la PSU (Portland State University), dans le centre historique de la ville. Nous n'avions jamais eu l'occasion de nous y rendre, et c'est fort regrettable, car il est canon ! Portland oblige, tout est local, de saison, organique, bio voire même vegan et gluten free, et les commerçants, charmants, invitent à déguster leurs produits. Les Portlandais viennent avec leurs propres sacs et tout est organisé pour trier les déchets (et en faire le moins possible) sur les stands de nourriture. Food carts et petites cuisines organisées cohabitent en plein marché, dégageant des odeurs délicieuses de café, bacon, soupe et tortillas. Le marché est certes un peu cher, mais c'est un régal pour les yeux et les sens, et ça, c'est gratuit !

PSU Farmers Market
Tout est beau dans ce marché !
Est-on Américain lorsqu'on mange un cheeseburger à 9h30 ? 
Je ne vais pas vous énumérer les dizaines de stands présents, mais plutôt quelques-unes de nos chic acquisitions :
- un merveilleux clacos de chèvre de la ferme (laquelle ouvre d'ailleurs ses portes le WE prochain et donne des chevreaux pour adoption)
- un fantastique caramel à la truffe, qui à la base était un cadeau de Noël pour la soeur de Ghislain, avant qu'on ne pense à demander le temps de conservation...
- un bon gros sac de girolles et de "hérissons" (un autre type de champignons qui ressemble aux girolles) - nous n'avons pas testé la grosse éponge ronde (cf photo).
Un gentil monsieur m'offre l'édition de Septembre du magazine Edible Portland, qui parle du "manger local" à Portland. Ca tombe bien, il y a une recette de risotto aux champignons ! Après avoir hésité entre sucré ou salé pour notre petit déjeuner, nous optons pour le stand de Pono Farm, un sympathique restaurant portlandais. Nous ratons à la lecture du menu la ramen qui a pourtant l'air délicieuse, mais le burger que nous avons choisi n'est vraiment pas mauvais !

Soit disant un champignon...
La ramen qu'on a ratée sur le menu !
Le cheeseburg de Pono Farm : miam !
De l'eau, des poubelles de tri, récupération de couverts etc... comme quoi c'est possible !
Angel's Rest, Colombia Gorge : 2,4 miles / 400m de dénivelés
Passons aux choses sérieuses, allons éliminer cette moitié de burger ! La météo ces derniers temps ne permet pas de faire de grandes excursions, nous choisissons donc une petite randonnée dans la Gorge de la Colombia River, à environ 30 minutes de Portland. Angel's Rest est l'une des randonnées les plus connues et les plus fréquentées du coin : elle offre de jolis points de vue sur la rivière et le paysage alentour. Les randonneurs la surnomme la "rando des sacs à caca". Pourquoi ? Tout simplement car les Américains laissent les sacs à caca de leurs toutous sur le bord du chemin, afin de le reprendre au retour... C'est très amusant comme jeu, de compter les sacs, c'est un peu comme chercher les oeufs à Pâques. J'en ai repéré 5 : assez décevant, mais nous ne sommes pas à la période de l'année où il y a le plus de monde. M'est avis qu'ceux qui étaient un peu enfouis sous les feuilles n'étaient pas du jour !
Un gros sac à caca - sous doute un labrador ou un nounours
Vue sur la Colombia River
La pluie, le sommet et le vent :
En rando aux USA, il y aura toujours un Américain pour vous sortir une petite blagounette, accompagnée d'un grand éclat de rire. Cette fois ci, c'était "le tire-fesses est juste au coin !". La vue au sommet est très chouette en effet, et les averses ont fait pousser des arcs en ciel dans la rivière. Par contre il y a un vent à décorner les cocus, et nous redescendons assez vite.

Vue au sommet, petite montagne blanche en face
Multnomah Falls 
Sur le chemin du retour, nous marquons un arrêt aux célèbres chutes d'eau de l'Oregon, les 2è plus hautes des USA (543 feet). Un joli petit lodge a poussé ici en 1925, et abrite maintenant un café, des toilettes et un gift shop, histoire d'accueillir les deux millions de visiteurs qui se rendent ici chaque année. La ligne de chemin de fer qui longe la Columbia passe juste devant le lodge ; nous observons un long, très long, très très long train de marchandise (pétrole).

Multnomah Fall & son lodge
Multnomah Fall 
Et un risotto raté pour terminer la journée !
Je tiens à faire remarquer que c'est la première fois de ma vie que je nettoie et prépare des champignons - ceux qui me connaissent savent bien que je déteste ça, et ceux qui ont grandi avec moi savent bien pourquoi :-) Bon, il s'avère que je tolère depuis peu les chanterelles (girolles). La recette du magazine donne un risotto qui n'est pas fantastiquement bon - trop acide. Après tout, que pouvions-nous attendre d'une revue qui s'appelle "Edible* Portland ?

*edible : comestible, mangeable

mercredi 16 novembre 2016

Elections' hangover

Quand on a la gueule de bois, on a envie de mourir (enfin moi en tout cas). La tête nous tourne, on a la bouche pâteuse, le foie en vrac, le coeur au bord des lèvres. On ne peut ni ne veut se lever, on se cache sous la couette pour ne pas voir le jour poindre, car sa clarté nous agresse. Notre cerveau en vrac ne nous envoie qu'un seul message : "PLUS.JAMAIS.CA"  

Cocktail Hurricane, Gumbo Shop
Cocktail Aviation, NOLA
Pour moi, le matin du 10 novembre avait des airs de gueule de bois. Une bonne grosse, vilaine gueule de bois. Celle de tous les mélanges, de toutes les excentricités. A une différence près : je ne pouvais pas me dire "plus jamais ça". Parce que ça y est, le Donald, il est là pour 4 ans, et c'est un cocktail Molotov. Comme dit Nicole Ferroni : "ça me fait mal à mon humanité". 

Un instant je me suis demandé si ça n'était pas juste un cauchemar ; après tout, Ghislain, qui s'était endormi avant les résultats finaux, avait vu Hillary Présidente dans son rêve. Mais non, le cauchemar était bien réel, et ma gueule de bois électorale aussi. J'ai passé un jour entier au lit avec l'envie de ne parler à personne, sale, en pyjama, déprimée, dépitée, ne trouvant aucune pensée positive qui me prouve que si, le monde est quand même beau. J'avais des haut-le-coeur de gaspillage alimentaire, de pollution atmosphérique, de guerres, de terrorisme, de Brexit et, pire encore, de présidentielle américaine. 

Et puis vendredi 11 novembre est arrivé. Le jour post-gueule-de-bois, celui où on est encore un peu patraque mais où il faut bien reprendre le cours de sa vie. On avait nos billets pour La Nouvelle Orléans et, même si l'envie de voyager n'était pas là, les cocktails, les couleurs, les odeurs, la musique et les BEIGNETS (paraît qu'il faut manger gras quand on a trop bu) nous ont fait du bien. On a même ri.

Beignets du Café du Monde, NOLA
Et puis il y a eu la messe gospel de l'église St Augustine à Treme, un quartier de la ville. Le prête a lui aussi parlé d'une "election hangover", tout en nous incitant à transformer nos déceptions en énergie positive, à aider les autres, à aller de l'avant. Alors, j'ai prié pour que les Français ne prennent pas leurs élections à la légère (52% de votants seulement aux USA), et qu'ils ne commettent pas la même erreurs que leurs camarades d'outre Atlantique...

Fin du voyage, "fin" de la gueule de bois électorale et mot de la fin : FUCK YOU 2016 ! (et 2017, et 2018, et 2019, et 2020...)



Vidéo du show LastWeekTonight, John Oliver

jeudi 10 novembre 2016

Entretien avec Veronica, propriétaire de La Arepa

Afin d'étayer mon article sur les food carts de Portland et la menace de leur gentrification sous la pression immobilière, j'ai interrogé quelques propriétaires de camion. Veronica possède deux food carts de nourriture vénézuélienne, La Arepa 1 & II

La Arepa, sur Foster

M : « Veronica, en quoi le modèle des food carts de Portland est-il unique ? »
V : « Parce que Portland est précurseur de ce que l’on appelle les food pods. Si vous utilisez cette expression en dehors de Portland, personne ne saura de quoi vous parlez, à moins d’être Portlandais ou d’avoir visité la ville. Les food pods ont leur "jardin à bières", le chauffage, des tables et un décor tape-à-l’œil. »

M : « Les relations entre les food carts et les restaurants sont-elles bonnes ? A Paris, il est difficile d’avoir des camions-restaurants car les restaurateurs n’en veulent pas ! »
V : « Ce sont nos concurrents, pas de doute, d’autant plus que de nombreux pods ont maintenant des tentes et du chauffage pour protéger les clients du froid et de la pluie. Et la nourriture proposée par les food carts est délicieuse. Mais les restaurants auront toujours un avantage, car tous les pods ne sont pas chauffés, et même ceux qui le sont connaissent une basse saison en hiver. Il y a certainement des restaurants qui ne nous aiment pas, mais Portland en a pour tous les goûts. »

M : « Pensez-vous que la bonne économie menace les food carts ? »
V : « La menace vient d’une économie qui va mal ; si les clients vont bien, nous aussi. Manger est une nécessité. Le plus important est de garantir la qualité de la nourriture que nous servons ».

M : « Les food carts dépendent-ils des propriétaires du terrain ? »
V : « C’est une communauté, nous dépendons tous les uns des autres, mais chaque food cart paie un loyer au propriétaire, qui inclut a priori les services basiques Le propriétaire doit fournir de bonnes conditions pour développer le négoce et assurer la sécurité de celui-ci. Les camions sont responsables de leur business, de leur apparence, du marketing et de la qualité de ce qu’ils proposent.
  
M : « Quelles sont les conséquences d’un déménagement forcé ? Dans votre cas, avez-vous perdu des clients ? Avez-vous pu choisir la nouvelle localisation ? »
V : « Nous pouvons toujours choisir l’endroit où nous voulons être, mais tout dépend de la disponibilité du lieu et des conditions offertes. Dans notre cas nous avons voulu être présents dans deux zones de la ville, au NE et au SE, afin que nos clients aillent au plus proche pour eux. Bien sûr, c’est plus difficile pour certains, donc nous proposons des options de livraison par le biais d’entreprises online ».  

M : « J’ai lu dans la presse que la famille Goodman voulait construire 11 tours dans le centre-ville, forçant ainsi 60 food carts à déménager. Où pensez-vous que les camions iront ? Pourront-ils survivre ? Quelle sera la réaction des consommateurs ? »
V : « C’est exactement ce qui nous est arrivé, nous avons dû déménager car le terrain s’est vendu pour construction, ce qui a affecté nos clients et notre business. Comme tous les food carts à qui c’est arrivé, nous avons cherché d’autres zones moins susceptibles d’êtres vendues, même si tout est relatif. De nouveaux pods se créent afin de répondre à la demande des camions qui doivent déménager, pour une raison ou pour une autre. Nous survivrons en choisissant bien où s'installer, mais surtout en prêtant attention au produit, en se renouvelant, en s’adaptant aux exigences du marché, en restant flexibles et actifs sur les réseaux sociaux. Je pense que c’est compliqué de dépendre d’un lieu car déménager a un coût ; nous avons préféré installer notre second camion dans une zone plus résidentielle, précisément pour ne pas être exposés à un autre déménagement. Malgré tout, nous sommes conscients de vivre dans une ville en croissance, et qu’il nous faut nous adapter et faire les choses bien ».

M : « Il y a environ deux ans de ça, la presse a annoncé un projet de construction au croisement de Hawthorne et de la 12th avenue, menaçant les food carts installés ici depuis des années. En savez-vous plus ?
V : « On ne sait pas encore si c’est une rumeur ou s’il se passera quelque chose un jour, pour le moment rien n’a changé ».

M : « D’une façon générale, comment pensez-vous que le modèle des food pods va évoluer à Portland ? Va t-il devenir similaire à celui des autres villes ?
V : « Le modèle portlandais s’étend à d’autres villes avec succès, je ne crois pas qu’il va changer, du moins pas avant quelques années. Il évoluera sûrement, façon Portland, d’une façon ou d’une autre, mais il va perdurer ». 

M : « Au final, c’est une menace ou une opportunité ? »

V : « C’est une grande opportunité, surtout lorsque l'on croit en son projet, en son produit et qu'on le fait bien. Les Portlandais sont très ouverts aux nouvelles expériences et quand ils aiment quelque chose, ils ne lâchent pas l’affaire »

Un grand merci à Veronica pour son aide ; vous trouverez ici plus d'informations sur La Arepa

Les food carts sous la pression immobilière

Les 500 food carts (camions-restaurants) de Portland sont menacés de gentrification.

Food carts - © Mathilde Salmon

Portland, Oregon, USA. Au croisement de la 50th et de Division, un chantier remplace depuis quelques mois les food carts (camions-restaurants). Dans la ville, des grues s’activent, érigeant l’armature de futurs appartements branchés. Car Portland a le vent en poupe. Mais ce boom immobilier menace d’évincer les food carts qui s’étaient installés sur des parkings ou terrains jusque là inoccupés.
Chantier dans le centre historique - © Mathilde Salmon
Un modèle unique
La ville s’est forgée une réputation culinaire avec ses carts :

                        
New York Times - Portland's food cart scene
Veronica, propriétaire du camion La Arepa, explique ce modèle unique : « Portland est précurseur de ce que l’on appelle les food pods » (i.e. les camions sont statiques et partagent un même terrain).

Histoire des food carts
Les pods se sont développés sur les terrains du centre-ville laissés vacants par l'économie mollassonne des années 80. Le phénomène s’accélère avec la récession de 2008, poussant les entrepreneurs à investir sans trop de risques. Les consommateurs fauchés, eux, apprécient les petits prix pratiqués. A partir de 2009, des investisseurs conçoivent des food pods entièrement aménagés, garantie d’un retour sur investissement rapide. L’avenir semble brillant : une meilleure organisation, une décoration plus chiadée et des commodités qui répondent aux attentes des clients. Les chefs redoublent de créativité, motivés par la concurrence et le succès du phénomène.

Food cart du Waterfront - © Mathilde Salmon
Victimes de leur succès
Si l’afflux de piétons et le regain d’activité attirent les investisseurs, Brett Burmeister, rédacteur en chef de www.foodcartsportland.com, s’inquiète de la fermeture récente de deux pods. Veronica en a fait les frais : « nous avons dû déménager car le terrain s’est vendu pour construction (...) Nous survivrons en choisissant bien où s’installer et en prêtant attention au produit, aux exigences du marché et aux médias».
Panneau sur un chantier - © Mathilde Salmon
Quel futur pour les carts ?
Avec l’annonce de la construction de 11 tours dans le centre-ville, Brett B. s’alarme : « La nouvelle dynamique va changer l’écosystème des food carts. Actuellement, il y en a 150 sur des propriétés privées qui seront développées ». John, propriétaire du Left Coast, ne conçoit pas les carts dans l’avenir de Portland. Du moins pas à cette échelle. « C’était temporaire », dit-il. « L’industrie s’est faite avec des talents, des rêves et une faible économie. Maintenant que Portland prospère, les propriétaires de terrain ont réalisé qu’ils pouvaient faire plus d’argent. » Laura Weiss, fondatrice de Go Box, espère que le secteur saura rebondir. « Chaque camion sert 50 repas par jour ! Où déjeunerons-nous ? ».
La Arepa - © Mathilde Salmon
« Portland devra se réinventer »
Pour John, «  l’idéal serait de laisser le rez-de-chaussée des tours à des mini restaurants. Un food pod en somme, mais à l’intérieur ». Une autre solution serait d’autoriser les food carts à circuler en ville. Selon Veronica, ça n’arrivera pas : « je ne crois pas que le modèle va changer ; il évoluera sûrement, façon Portland ». Elle ajoute : « la menace vient d’une économie qui va mal ; si les clients vont bien, nous aussi ». John n’y croit pas non plus: « Portland est précurseur, pas suiveur. Les food carts trouveront un moyen de se réinventer.»

Food carts de nuit - © Mathilde Salmon