jeudi 10 novembre 2016

Entretien avec Veronica, propriétaire de La Arepa

Afin d'étayer mon article sur les food carts de Portland et la menace de leur gentrification sous la pression immobilière, j'ai interrogé quelques propriétaires de camion. Veronica possède deux food carts de nourriture vénézuélienne, La Arepa 1 & II

La Arepa, sur Foster

M : « Veronica, en quoi le modèle des food carts de Portland est-il unique ? »
V : « Parce que Portland est précurseur de ce que l’on appelle les food pods. Si vous utilisez cette expression en dehors de Portland, personne ne saura de quoi vous parlez, à moins d’être Portlandais ou d’avoir visité la ville. Les food pods ont leur "jardin à bières", le chauffage, des tables et un décor tape-à-l’œil. »

M : « Les relations entre les food carts et les restaurants sont-elles bonnes ? A Paris, il est difficile d’avoir des camions-restaurants car les restaurateurs n’en veulent pas ! »
V : « Ce sont nos concurrents, pas de doute, d’autant plus que de nombreux pods ont maintenant des tentes et du chauffage pour protéger les clients du froid et de la pluie. Et la nourriture proposée par les food carts est délicieuse. Mais les restaurants auront toujours un avantage, car tous les pods ne sont pas chauffés, et même ceux qui le sont connaissent une basse saison en hiver. Il y a certainement des restaurants qui ne nous aiment pas, mais Portland en a pour tous les goûts. »

M : « Pensez-vous que la bonne économie menace les food carts ? »
V : « La menace vient d’une économie qui va mal ; si les clients vont bien, nous aussi. Manger est une nécessité. Le plus important est de garantir la qualité de la nourriture que nous servons ».

M : « Les food carts dépendent-ils des propriétaires du terrain ? »
V : « C’est une communauté, nous dépendons tous les uns des autres, mais chaque food cart paie un loyer au propriétaire, qui inclut a priori les services basiques Le propriétaire doit fournir de bonnes conditions pour développer le négoce et assurer la sécurité de celui-ci. Les camions sont responsables de leur business, de leur apparence, du marketing et de la qualité de ce qu’ils proposent.
  
M : « Quelles sont les conséquences d’un déménagement forcé ? Dans votre cas, avez-vous perdu des clients ? Avez-vous pu choisir la nouvelle localisation ? »
V : « Nous pouvons toujours choisir l’endroit où nous voulons être, mais tout dépend de la disponibilité du lieu et des conditions offertes. Dans notre cas nous avons voulu être présents dans deux zones de la ville, au NE et au SE, afin que nos clients aillent au plus proche pour eux. Bien sûr, c’est plus difficile pour certains, donc nous proposons des options de livraison par le biais d’entreprises online ».  

M : « J’ai lu dans la presse que la famille Goodman voulait construire 11 tours dans le centre-ville, forçant ainsi 60 food carts à déménager. Où pensez-vous que les camions iront ? Pourront-ils survivre ? Quelle sera la réaction des consommateurs ? »
V : « C’est exactement ce qui nous est arrivé, nous avons dû déménager car le terrain s’est vendu pour construction, ce qui a affecté nos clients et notre business. Comme tous les food carts à qui c’est arrivé, nous avons cherché d’autres zones moins susceptibles d’êtres vendues, même si tout est relatif. De nouveaux pods se créent afin de répondre à la demande des camions qui doivent déménager, pour une raison ou pour une autre. Nous survivrons en choisissant bien où s'installer, mais surtout en prêtant attention au produit, en se renouvelant, en s’adaptant aux exigences du marché, en restant flexibles et actifs sur les réseaux sociaux. Je pense que c’est compliqué de dépendre d’un lieu car déménager a un coût ; nous avons préféré installer notre second camion dans une zone plus résidentielle, précisément pour ne pas être exposés à un autre déménagement. Malgré tout, nous sommes conscients de vivre dans une ville en croissance, et qu’il nous faut nous adapter et faire les choses bien ».

M : « Il y a environ deux ans de ça, la presse a annoncé un projet de construction au croisement de Hawthorne et de la 12th avenue, menaçant les food carts installés ici depuis des années. En savez-vous plus ?
V : « On ne sait pas encore si c’est une rumeur ou s’il se passera quelque chose un jour, pour le moment rien n’a changé ».

M : « D’une façon générale, comment pensez-vous que le modèle des food pods va évoluer à Portland ? Va t-il devenir similaire à celui des autres villes ?
V : « Le modèle portlandais s’étend à d’autres villes avec succès, je ne crois pas qu’il va changer, du moins pas avant quelques années. Il évoluera sûrement, façon Portland, d’une façon ou d’une autre, mais il va perdurer ». 

M : « Au final, c’est une menace ou une opportunité ? »

V : « C’est une grande opportunité, surtout lorsque l'on croit en son projet, en son produit et qu'on le fait bien. Les Portlandais sont très ouverts aux nouvelles expériences et quand ils aiment quelque chose, ils ne lâchent pas l’affaire »

Un grand merci à Veronica pour son aide ; vous trouverez ici plus d'informations sur La Arepa

1 commentaire:

  1. Est-ce que les food carts n'exhalent pas une bonne odeur de cuisine qui se répand dans la rue? histoire d'attirer le chaland et de rester compétitifs avec restaurants, d'autant plus que les prix sont certainement plus attrayants. Quid de la location de l'emplacement? Est-ce gratuit?

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