Afin d'étayer mon article sur les food carts de Portland et la menace de leur gentrification sous la pression immobilière, j'ai interrogé quelques propriétaires de camion. Veronica possède deux food carts de nourriture vénézuélienne, La Arepa 1 & II.
La Arepa, sur Foster |
M : « Veronica, en quoi le modèle des food carts de Portland
est-il unique ? »
V :
« Parce que Portland est précurseur de ce que l’on appelle les food pods.
Si vous utilisez cette expression en dehors de Portland, personne ne saura de quoi vous
parlez, à moins d’être Portlandais ou d’avoir visité la ville. Les food pods
ont leur "jardin à bières", le chauffage, des tables et un décor tape-à-l’œil. »
M : « Les relations entre les food carts et les restaurants
sont-elles bonnes ? A Paris, il est difficile d’avoir des
camions-restaurants car les restaurateurs n’en veulent pas ! »
V : « Ce sont
nos concurrents, pas de doute, d’autant plus que de nombreux pods ont
maintenant des tentes et du chauffage pour protéger les clients du froid et de
la pluie. Et la nourriture proposée par les food carts est délicieuse. Mais les
restaurants auront toujours un avantage, car tous les pods ne sont pas
chauffés, et même ceux qui le sont connaissent une basse saison en hiver.
Il y a certainement des restaurants qui ne nous aiment pas, mais Portland en a
pour tous les goûts. »
M : « Pensez-vous que la bonne économie menace les food carts ? »
V : « La
menace vient d’une économie qui va mal ; si les clients vont bien, nous
aussi. Manger est une nécessité. Le plus important est de
garantir la qualité de la nourriture que nous servons ».
M : « Les food carts dépendent-ils des propriétaires du
terrain ? »
V : « C’est une
communauté, nous dépendons tous les uns des autres, mais chaque food cart paie un loyer au propriétaire, qui inclut a priori les services basiques Le
propriétaire doit fournir de bonnes conditions pour développer le négoce et assurer
la sécurité de celui-ci. Les camions sont responsables de leur business, de leur apparence,
du marketing et de la qualité de ce qu’ils proposent.
M : « Quelles sont les conséquences d’un déménagement forcé ?
Dans votre cas, avez-vous perdu des clients ? Avez-vous pu choisir la
nouvelle localisation ? »
V : « Nous pouvons
toujours choisir l’endroit où nous voulons être, mais tout dépend de la
disponibilité du lieu et des conditions offertes. Dans notre cas nous avons
voulu être présents dans deux zones de la ville, au NE et au SE, afin que nos clients aillent
au plus proche pour eux. Bien sûr, c’est plus difficile pour certains, donc
nous proposons des options de livraison par le biais d’entreprises
online ».
M : « J’ai lu dans la presse que la famille Goodman voulait
construire 11 tours dans le centre-ville, forçant ainsi 60 food carts à
déménager. Où pensez-vous que les camions iront ? Pourront-ils
survivre ? Quelle sera la réaction des consommateurs ? »
V : « C’est exactement ce
qui nous est arrivé, nous avons dû déménager car le terrain s’est vendu pour
construction, ce qui a affecté nos clients et notre business. Comme tous les food
carts à qui c’est arrivé, nous avons cherché d’autres zones moins
susceptibles d’êtres vendues, même si tout est relatif. De nouveaux
pods se créent afin de répondre à la demande des camions qui doivent déménager,
pour une raison ou pour une autre. Nous survivrons en choisissant bien où s'installer, mais surtout en prêtant attention au produit, en se renouvelant,
en s’adaptant aux exigences du marché, en restant flexibles et actifs sur les
réseaux sociaux. Je pense que c’est
compliqué de dépendre d’un lieu car déménager a un coût ; nous avons
préféré installer notre second camion dans une zone plus résidentielle, précisément pour ne pas être exposés à un autre déménagement.
Malgré tout, nous sommes conscients de vivre dans une ville en croissance, et
qu’il nous faut nous adapter et faire les choses bien ».
M : « Il y a environ deux ans de ça, la presse a annoncé un
projet de construction au croisement de Hawthorne et de la 12th avenue, menaçant
les food carts installés ici depuis des années. En savez-vous plus ?
V : « On ne sait pas
encore si c’est une rumeur ou s’il se passera quelque chose un jour, pour le
moment rien n’a changé ».
M : « D’une façon générale, comment pensez-vous que le modèle des food pods va évoluer à Portland ? Va t-il devenir similaire à celui des
autres villes ?
V : « Le
modèle portlandais s’étend à d’autres villes avec succès, je ne crois pas qu’il
va changer, du moins pas avant quelques années. Il évoluera sûrement, façon
Portland, d’une façon ou d’une autre, mais il va perdurer ».
M : « Au final, c’est une menace ou une opportunité ? »
V : « C’est une grande opportunité, surtout lorsque l'on croit en son projet, en son
produit et qu'on le fait bien. Les Portlandais sont très ouverts aux nouvelles
expériences et quand ils aiment quelque chose, ils ne lâchent pas l’affaire ! »
Un grand merci à Veronica pour son aide ; vous trouverez ici plus d'informations sur La Arepa.
Un grand merci à Veronica pour son aide ; vous trouverez ici plus d'informations sur La Arepa.
Est-ce que les food carts n'exhalent pas une bonne odeur de cuisine qui se répand dans la rue? histoire d'attirer le chaland et de rester compétitifs avec restaurants, d'autant plus que les prix sont certainement plus attrayants. Quid de la location de l'emplacement? Est-ce gratuit?
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